baudruche
ça y est, il a éclaté, il fallait bien que ça arrive !
je t’avais pourtant dit que mon cœur était un ballon de baudruche
je l’avais jusqu’alors préservé des piquants de ta ruche
tu as trop joué avec, tu l’as trop malmené, et paf, il s’est crevé !
il a du se percer, tu m’envoies tant de piques !
pffuit !
oh le drôle de bruit, as-tu dit ! qu’est ce qui peut siffler comme ça ?
qu’est ce qui peut se dégonfler en tournoyant vainement,
comme une feuille morte contre le vent ?
c’est mon cœur, mon cœur
déjà, depuis hier, il avait manqué d’air,
il se ratatinait, se ridait curieusement
déjà, j’avais senti qu’il tanguait doucement
il avait rétréci, s’était tuméfié, je m’étais méfiée
et ça y est !
crois-tu qu’il est mort ? crois-tu qu’il pourra aimer encore ?
peut-être que si tu soufflais dedans
il retrouverait son battant ? son allant ? son air chantant ?
tu pourrais regonfler une bulle de sentiments ?
ooh ! Souffle moi donc dedans !
que vas-tu faire de moi maintenant ?
j’ai beau lever les bras vers toi, pour t’étreindre,
rien ! il ne se passe plus rien, et je ne peux plus que feindre
de t’enlacer
mais le cœur n’y est plus, il n’est plus qu’une poche vide
un petit sac translucide
exsangue sur le sol
stoppé net en plein vol
un avorton de coeur qui est crevé et crève
un rêve
et dire qu’hier encore tu t’y accrochais, à cette montgolfière,
et tu volais si haut, et tu quittais la terre !
fallait faire attention, fallait pas regarder en arrière
mais toi et tes lubies, et maintenant, que faire ?
ah oui, j’ai l’air maligne sans rien qui porte ma voix,
sans rien qui guide mes pas
mon cœur comme un trognon va se décomposer
sur le tas de fumier où pousse tes courgettes
il t’a bien amusé, et pendant tant d’années, et maintenant, tu le jettes
aux oubliettes