La noce d’avril
Hier dans le brouillard de l’aube d’avril
Je creusais mon sillon comme dans chaque jour qui naît
J’allais vers la forêt et je me suis perdue
En croyant suivre la route connue
Et alors un charme m’est apparu nu
Et tout neuf comme sorti de terre
Le voile blanc qui le camouflait
L’habillait d’une robe nuptiale
Accrochées à ses branches des araignées
Comme des petits tailleurs filaient la traîne blanche
Avec leurs aiguilles de cristal au bout de leurs pattes
Et je me demandais qui était l’heureux élu
Qui allait passer l’anneau à cette mariée magnifique
C’est alors que je l’ai vu
Sorti du fond des ténèbres,
Des filaments de Lune accrochés au pelage
Le port fier et l’œil luisant
Un cerf arriva à quelques pas de moi
Je restai immobile
Et tendue de tout mon être devant l’apparition
Il ne me voyait pas ou ne voulait pas voir
Dans son costume de terre et de rosée mêlées
Il avançait superbe
Laissant derrière lui une fragrance de musc
Et j’ai vu le jeune arbre trembler à son approche
J’ai vu le cerf étreindre le charme dans sa robe blanche
Et de mes yeux je les ai vus partir enlacés bois et branches
Vers un autel de mousse dans une clairière en souches
A leur passage la famille arbre a fait la révérence
Et les araignées ont exécuté une curieuse danse
Les fiancés unis, d’écorce et de muscles
Avec la multitude du vivant pour témoin
Prononcèrent leurs vœux dans un souffle de vent
Qui s’en alla monter vers la cime des bois
Ce courant d’air chaud recouvrit tout autour
Et alors toute la nature s’éveilla d’un coup
Une seconde de trop, j’ai regardé ailleurs,
Pour voir le soleil rouge qui naissait de ce couple
De jeunes mariés éclaboussant d’amour
Mais lorsque j’ai de nouveau cherché l’autel et la clairière,
L’assemblée de charmes et les amants unis,
Tout avait disparu, sous les premiers rayons d’un soleil bambin
Qui jouait avec les ombres espiègles des feuilles du printemps
Seules étaient là encore, accrochées aux ronces
Les araignées discrètes, couturières de talent
Qui rejoignirent leur trou, ou bien quelque cachette
Non sans auparavant me saluer en dansant.