Ma Teigne, épilogue
Hier mon lombric est mort.
Depuis plusieurs jours, je sentais qu’il déclinait.
Et il est mort.
Je l’ai vu immédiatement.
Il était là.
Ni enroulé, ni déroulé, juste comme posé n’importe où.
Au niveau des pensées.
Déjà un rouge-gorge était venu le voir. Heureusement, je l’ai vu.
Il était gris et terne, sec et contracté,
Mais il avait l’air serein et on peut penser qu’il n’a pas souffert.
Alors je l’ai déterré doucement.
Je lui parlais en même temps, c’est bête,
ma Teigne, je lui disais, ma pauvre Teigne, te voilà vidé de tout sens à présent.
Te voilà réduit à l’ombre de toi même, à la quintessence de ta nature de terre.
Que t’est-il donc arrivé ?
Je l’ai nettoyé avec peine et pinceau.
Puis je l’ai posé dans sa minuscule montgolfière.
J’ai préféré la montgolfière
Plutôt qu’un machin à moteur, c’est plus serein, la montgolfière.
Je suis allée dehors en tenant la montgolfière tout contre moi,
J’ai marché un moment
Et je l’ai lancé dans les airs depuis le haut de la colline des Epivents.
Malheureusement, j’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois,
Elle n’est pas haute, cette colline.
Le peu de vent qui soufflait a suffi à entraîner le petit véhicule avec lui,
Vers les hauteurs.
Ça me fait bizarre de me dire que maintenant,
Ma Teigne,
Mon petit lombric,
Déambule dans les airs et va sûrement finir comme tous mangé par un autre animal.
Moi qui avais toujours pensé que ce serait lui, qui me mangerait.
Moi qui ne souhaitais qu’une chose : traverser son corps par l’intérieur après ma mort.
La vie est mal faite.
Ce sont toujours les meilleurs qui s’en vont en premier.
Ma Teigne,
Mon vermisseau merveille,
Du fond du grand sommeil
Tandis qu’encore tu veilles
Je saigne.